les 100 mots de Rimbaud : « Claudel (Paul) »

On sait la conversion de Claudel (1868-1955) à Notre-Dame de Paris, le 25 décembre 1886. Il vient en curieux assister aux vêpres, et se tient debout derrière un pilier, du côté de la sacristie. Le chœur de la maîtrise chante le Magnificat quand soudain le jeune homme est foudroyé par une force spirituelle irrépressible : une illumination ! Et dès lors il croit. Peu de mois auparavant, en mai 1886, au jardin du Luxembourg, une autre grâce l’a bouleversé. « Depuis le coup de foudre initial dont m’a frappé la livraison de La Vogue où je lus pour la première fois les Illuminations*, je puis dire que je dois à Rimbaud tout ce que je suis intellectuellement et moralement, et il y a, je crois, peu d’exemple d’un si intime hymen de deux esprits. » Ce lien fusionnel ne se démentira jamais.

Durant des décennies, avec une ferveur insatiable, Claudel s’attache à l’œuvre brève mais prodigieuse de Rimbaud. En 1911, il accueille avec enthousiasme le rapprochement souhaité par Paterne Berrichon* et son épouse Isabelle Rimbaud. Ne doit-il pas à Arthur son retour à la foi ? Il se rend en pèlerinage à Charleville ( Charlestown) et à Roche*, où il vit de véritables extases nocturnes dans la chambre du « mystique à l’état sauvage ». En parfaite osmose, tels « les gardiens du temple », le trio va ériger un portrait hagiographique de Rimbaud, le « catholiciser », et passer sous silence, voire nier, ses débauches et sa liaison uraniste avec Verlaine*. Il aura fallu attendre la première moitié du XXe siècle, la caution et la passion opiniâtre de Claudel pour que soit parachevé le mythe. « Rimbaud a eu une action que j’appellerai séminale et paternelle et qui me fait réellement croire qu’il y a filiation dans l’ordre des esprits, comme dans celle des corps », écrit Claudel. Sans doute un peu d’éternité.

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