À la suite de la défaite française contre la Prusse, des conséquences du siège de Paris et de la grave famine de l’hiver 1870-1871, le peuple de la capitale se soulève. La période insurrectionnelle s’étire du 18 mars 1871 à la « semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871. Cette révolte oppose le parti républicain, considéré comme « rouge », au gouvernement issu de l’Assemblée nationale à majorité monarchiste, élu au suffrage universel masculin. Le peuple de Paris aspire à une organisation proche de l’autogestion. Dans cette tourmente, certains associent à Rimbaud l’image d’un nouveau Gavroche « épouvantable et charmant », taquinant la mitraille. Sa rébellion continuelle, ce désir de changer le monde, inciterait à croire qu’il bat le pavé avec les insurgés. L’Empire, l’ordre, les notables et l’Église incarnent l’ennemi. Le bien est dans la nature, dans l’homme, dans l’ouvrier. « Je serai un travailleur », écrit-il le 13 mai 1871 de Charleville (→ Charlestown) à Georges Izambard*, son professeur de rhétorique et ami : « C’est l’idée qui me retient quand les colères folles me poussent vers la bataille de Paris – où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris. » Son beau-frère posthume, Paterne Berrichon*, et son ami Ernest Delahaye* témoignent, ajoutant des indications que l’on voudrait croire. Rimbaud aurait servi dans les « tirailleurs de la République », et aurait dormi à la caserne de Babylone, quand Verlaine le dit plutôt au château d’eau, avec des adolescents « gazouillant » sur le pavé. Dans ces odeurs de poudre, de sang et d’alcool, au son des chants de révoltes, Chants de guerre parisiens, dans ces excès orgiaques propres à toutes les révolutions, Rimbaud aurait même été violé. On tente alors de décrypter ses lettres et ses poèmes, « Le Cœur supplicié », pour y lire ce que l’on souhaiterait y discerner, et où l’on trouve une troupe « ithyphallique et pioupiesque » (→ Abracadabrantesque). Pourtant, le 17 avril 1871, il poste de Charleville une lettre à Georges Izambard et, toujours depuis les mêmes lieux, en adresse une autre le 15 mai 1871 à Paul Demeny*. Il sera « dans huit jours » à Paris « peut-être ». Dans huit jours ? Quand Paris agonise en pleine semaine sanglante ! Aurait-il pu faire des allers-retours en train jusqu’à la capitale où les Versaillais contrôlent les gares et les entrées ? Jamais Rimbaud ne l’écrit. Si rien ne prouve clairement sa présence effective parmi les insurgés, rien ne prouve davantage son absence. Alors, communard Rimbaud ? Oui, sans aucun doute… au moins dans l’esprit et dans l’œuvre.