les 100 mots de Rimbaud : « Dieu »

L’aumônier de l’hôpital à Marseille* aurait dit à Isabelle : « Votre frère a la foi, mon enfant […] et je n’ai même jamais vu de foi de cette qualité », avant d’administrer à Rimbaud les derniers sacrements. « Mort comme un saint », affirme-t-elle. Rimbaud devant Dieu aura livré une longue lutte depuis sa première communion en 1866 à Méry. Le besoin de fuir l’atmosphère bigote et rigoureuse entretenue par sa mère donne des ailes à l’adolescent. Le Paris poétique l’appelle aussi. La guerre franco-prussienne fait des ravages. Dans la capitale, les Versaillais massacrent les communards. Les pauvres se traînent dans leur misère. Rimbaud, soucieux de ceux qui souffrent, ne peut plus croire en l’Église mensongère. L’insurgé en raye les murs de ses graffitis blasphématoires : « Mort à Dieu ». Bien que nourri aux Évangiles, il se révolte de tout son être, de toute la force de son verbe, contre l’indifférence du Créateur, par exemple dans « Le Mal » :

Il est un Dieu qui rit aux nappes damassées

Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or

Qui dans le bercement des hosannah s’endort.

Toutefois rien n’est simple. Le questionnement incessant le ronge. Il reconnaît ne pas être prisonnier de sa raison et admet son impuissance à maîtriser le destin. Il interpelle le Ciel dans « Mauvais Sang » : « Dieu. Je veux la liberté dans le salut : comment la poursuivre ? » Déçu des hommes qui l’ignorent autant qu’il les rejette, déçu de Dieu qui ne l’entend pas, il part pour le désert comme les anachorètes vont y chercher la vérité. Il ne peut y avoir vécu plus de dix ans dans le néant spirituel ! Longue crise de mysticisme qu’il aura enfouie en s’abrutissant dans l’habit d’un aventurier assoiffé d’or.

1891, Rimbaud se raccroche à la vie. Course éperdue au départ de Harar*, le 7 avril, douze jours de civière porté sur 300 kilomètres de désert par seize hommes pour rejoindre Aden, puis balloté treize autres jours à bord du vapeur vers l’amputation, enfin cette fuite de l’été à Roche, dans le fol espoir de s’amarrer aux racines familiales et de ne plus en bouger. Vaine fugue ! La Camarde a fixé le lieu et le jour : mort d’Arthur Rimbaud, le 10 novembre 1891 à l’hôpital de la Conception. Les souffrances l’ont disposé à Dieu. Il est prêt pour l’éternité.

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