Ainsi se prénomme le jeune serviteur de Rimbaud au Harar*, un nom qui désigne en arabe « ce qui rassemble », « ce qui réunit ». Et ce qui les rapproche tous deux, ce sont les projets de Rimbaud, ses espoirs fous, ses tribulations, ses moments d’exaltation, leurs déplacements ensemble en Égypte et à Aden. « Le tourment de la présence est pire que celui de l’absence », écrit un autre Djami, l’un des grands poètes soufis de Perse. Sage clairvoyance : le jeune domestique partage aussi les pires moments que vit Rimbaud dans la Corne de l’Afrique, ses traversées des déserts, ses prises de risques dans les régions qu’il explore, comme ses périodes d’ennui et d’abattement entre 1883 et le voyage sans retour de 1891.
Djami Wadaï surgit pour la première fois dans la biographie d’Arthur après la mort de ce dernier à Marseille*. Isabelle Rimbaud, sa sœur, cite une lettre de son frère : « Alors je congédiais mon domestique qui rampait à mes pieds en me suppliant de l’emmener, et je pris le bateau des Messageries maritimes pour rentrer en France. » Il aurait ajouté qu’il n’avait pas voulu séparer le jeune homme de sa femme et de son enfant. Isabelle mettra des années à faire parvenir à Djami les 750 thalers que Rimbaud tenait à lui léguer, legs qui profita à ses héritiers, puisque Djami Wadaï mourut un an après son « maître ». Dans ses lettres d’Orient, jamais Rimbaud n’évoque son serviteur. Sur son lit d’hôpital à Marseille, dans ses délires, c’est pourtant Djami qu’il appelle, comme s’il le voyait encore pleurant sur le quai d’Aden.