Avec Gérard de Nerval, son camarade de classe du collège Charlemagne à Paris, Théophile Gautier (1811-1872) se passionne très tôt pour la poésie. Jeune adulte, en 1829, il rencontre Victor Hugo* et suit ardemment le maître dans les grandes campagnes romantiques contre « toutes ces larves du passé et de la routine ». Poète, romancier, nouvelliste, dramaturge, critique d’art, il est également journaliste et assiste à l’inauguration du canal de Suez en 1869, pour Le Journal officiel. Il est l’un des premiers membres du club des Hachichins fréquenté par Baudelaire*, Nerval, Flaubert, Dumas, où l’on expérimente des substances hallucinogènes. Autant de singularités auxquelles Rimbaud n’est sans doute pas insensible, comme à l’œuvre abondante de Gautier qui s’efforce inlassablement d’approcher la perfection. Dans sa célèbre lettre à Paul Demeny* du 15 mai 1871, Rimbaud cite Gautier parmi les « très voyants », qualificatif louangeur sous sa plume, même s’il s’empresse d’ajouter que l’auteur de La Comédie de la mort, d’Émaux et camées abuse des civilisations antiques et se contente de « reprendre l’esprit des choses mortes ». Ces remarques mesurées n’empêchent pas le jeune Ardennais d’être perméable à certaines influences de son précurseur. Baudelaire, pour sa part, tient Gautier en une estime sans réserve. Il en fait le dédicataire de son extraordinaire recueil, Les Fleurs du Mal : « Au poète impeccable, au parfait magicien ès lettres françaises, à mon très cher et très vénéré maître et ami, Théophile Gautier », quand Théodore de Banville*, considéré comme l’un des plus éminents poètes de son époque, traite Gautier en « héros » et en « dieu ».